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Trafics

De Tivipédia

La position de Copacabana, enclave en territoire highlander, ainsi que l’opposition sociopolitique marquée entre les deux nations a toujours été un puissant moteur pour de nombreux trafics. Le fait que, d’une part, Copacabana soit un starport, d’autre part que la Fédération des hautes-terres ait aussi mauvaise réputation est un facteur aggravant.

Qui trafique ?

Selon la blague habituelle : tout le monde. Plus précisément, c’est principalement le fait des transporteurs, surtout les chauffeurs routiers : en même temps que les marchandises légales, il y a toujours quelques éléments plus ou moins discrets, qui ne figurent pas sur les bordereaux de livraison.

Il serait d’ailleurs faux de penser qu’il n’y a que les Copacajuns qui passent des trucs en douce, ni que ça ne va que dans le sens Copa-Gabyland. Les Highlanders font pareil et des quantités indécentes de matériel électronique de loisir, de fabrication highlander, entrent dans la Ville libre sans acquitter de forts coûteux droits de douane – et sont souvent réexpédiées ailleurs sur Terre (en bénéficiant de tarifs douaniers bien plus avantageux). Souvent, les trafiquants font les deux : trucs illicites vers la Fédération des hautes-terres et, au retour, contrebande vers Copacabana ; ce serait bête de faire le trajet à vide…

De façon générale, ce trafic est une opération artisanale : s’il existe des réseaux de contacts, fourgues, entrepôts et autres courtiers en documents officiels plus vrais que nature, cela reste une activité qui n’a d’organisé que le nom. Au cours des années, plusieurs organisations criminelles (de part et d’autre de la frontière) ont essayé de mettre le grappin dessus, mais elles se sont toujours heurtées à une opposition farouche des habitués. Le milieu des transporteurs, malgré tous ses grenouillages, peut faire montre d’une solidarité sans faille face à une menace extérieure de ce genre – et la Condor est d’autant plus bienveillante envers les trafiquants locaux, raisonnablement inoffensifs, qu’elle est brutale envers les mafias importées.

La seule exception reste les « mafias africaines », qui ont un quasi-monopole sur les mouvements de marchandises entre le continent africain et Copacabana – mais, là encore, ce n’est pas tant une véritable mafia qu’un terme générique pour parler des réseaux entre les « Afros » de Copacabana, les « cousins » du continent et d’autres diasporas africaines en Amérique du Sud.

ANPA et autres magouilles

Il existe d’autres trafics, entre Copacabana et la Fédération voisine, qui sont vus d’un nettement plus mauvais œil par les deux parties : ceux qui impliquent l’Allied Native People of America (ANPA) et/ou les services secrets highlanders (enfin, un des).

L’ANPA, qui a des activités politico-militaires dans tout le continent américain, est particulièrement active dans les régions centrales (= jungle) d’Amérique du Sud. C’est un secret de polichinelle que de dire que, hormis les côtes et certains centres urbains, la Fédération des hautes-terres ne contrôle pas grand-chose du sous-continent (bon, ça représente quand même 75% de la population et 90% de l’activité).

Elle utilise fréquemment Copacabana comme base arrière, pour un certain nombre de raisons. D’abord, parce que (pour le moment) elle y est mieux vue qu’aux NAUS. L’ANPA a aussi une branche nord-américaine, Native Alliance, qui plus axée sur l’action politique que sur la violence terroriste, mais qui est quand même très mal vue par les autorités locales. Cela a un peu à voir avec le fait que les Amérindiens sont aux aussi des champions de la contrebande, mais surtout avec les revendications sécessionnistes (ou, tout au moins, fortement autonomistes) du mouvement. Ensuite, parce que Copacabana est une porte ouverte vers la Sphère et vers des soutiens matériels extra-terriens.

L’ANPA fait donc surtout de la contrebande de bonshommes : beaucoup de ses combattants et chefs militaires se replient sur la Ville libre quand l’air de la Fédération devient trop malsain pour eux. Copacabana abrite aussi un certain nombre de cellules politiques, logistiques ou tactiques, qui coordonnent les actions en territoire highlander. Plus ennuyeux, l’organisation fait entrer en Fédération des hautes-terres armes, matériel et propagande ; elle fait aussi transiter, dans l’autre sens, drogue et pierres précieuses brutes (ceci finançant cela…). L’ANPA n’est d’ailleurs pas la seule à se livrer à ce genre de bricolages : pas mal de criminels, organisés ou non, ont eux aussi leurs petits réseaux – l’ANPA fait juste cela à nettement plus grande échelle.

Nids d’espions

Bien entendu, la Fédération des hautes-terres n’est pas en reste ; on peut dire beaucoup de choses sur les Highlanders, mais quand il s’agit d’être proactif, ils se posent un peu là ! Dans le cas présent, leurs activités à Copacabana (surtout depuis les années 2280) se concentrent principalement sur du contre-espionnage anti-ANPA. Cela implique l’envoi de commandos surarmés en mission d’élimination, ce qui n’enthousiasme pas vraiment les autorités locales. Il y a souvent du dommage collatéral…

Leurs autres activités sont plus subtiles (en termes de résultat, tout au moins), mais dans la même veine : contre-espionnage ; là encore, le fait que les boy-scouts de la Fédération considèrent Copacabana comme étant un peu leur terrain de jeu, genre protectorat, agace beaucoup les autorités copacajuns, en premier lieu la Douane.

Le problème, c’est que les Highlanders sont loin d’être les seuls à s’amuser dans le bac à sable : à peu près toutes les nations de la Sphère (à part peut-être la Grande Alliance, et encore…) ont des agents plus ou moins actifs dans la Ville libre. En général, les activités des uns et des autres se font dans le subtil, le feutré et le velours. Parfois pas. Les affaires d’espionnages qui éclatent (parfois littéralement) au grand jour font les délices de la presse et donnent lieu à des explications de gravure plus ou moins gratinées selon les parties en cause.

Un arrangement tacite entre les autorités locales et les représentations diplomatiques est que, en cas de problème du genre, il y aura une enquête et des responsabilités démontrées – si ce sont les responsables, c’est un bonus, mais les gouvernements en cause sont priés de se démerder avec les détails. Copacabana n’étouffe jamais une affaire – mais il lui arrive de « rater » quelques éléments…

Trafics stellaires

Les contrebandiers qui sont actifs dans et autour du starport forment une dernière catégorie de trafiquants. Techniquement, elle est distincte par bien des points, mais elle bien souvent en cheville avec les autres ; au reste, Copacabana est somme toute un petit village et, dans un milieu socioprofessionnel donné, tout le monde se connaît plus ou moins.

Dans cette catégorie, on trouve un peu de tout : du personnel de vaisseau spatial qui rend service, du capitaine de cargo qui oublie des choses sur les bordereaux, des contrebandiers professionnels, jusqu’aux bagagistes indélicats et aux manutentionnaires d’entrepôts peu regardants.

Une catégorie particulière mérite l’intention : les courtiers en information (surnommés « Capuches » ou « Capucins », parce qu’on les trouve souvent dans un café à boire des capuccini), qui servent d’intermédiaires entre les contrebandiers et les revendeurs. Ils savent qui arrivent quand et avec quoi, ainsi que qui cherche quoi et à quel prix ; évidemment, ils touchent une modique commission sur la transaction… Les plus entreprenants (et les plus chers) squattent les buvettes du starport – voire même les salons VIP.

Dans l’absolu, la Douane de Copacabana n’aime pas trop ce genre de blagues ; dans les faits, ce qui les dérange surtout est de ne pas savoir précisément ce qui rentre ou ce qui sort. La potentialité d’avoir une arme de destruction massive (ou des marchandises siyansk, ce qui revient parfois au même) en promenade sur le territoire les inquiète beaucoup ; si ça a des papiers en règle ou non, c’est secondaire. Du coup, il y a, entre les « capuches » et les « dominos », un arrangement : les courtiers avertissent la Douane en cas de lézard potentiel et cette dernière évite les descentes musclées qui font fuir la clientèle. Cela dit, il y a toujours des petits malins qui ne jouent pas le jeu…

Une autre engeance, particulièrement détestée par un peu tout le monde, hante aussi les couloirs du starport et ses environs (notamment le Santos Dumont Terminal) : ce sont les lug-jackers, ou « pirates des valises ». Leurs activités ont déjà été évoquées dans le scénario d’introduction, mais leur modus operandi est très variable : fouille discrète des bagages au moment du tri (quitte à « égarer » quelques minutes les valises), substitution de caisses, visite de conteneurs sur le tarmac, interception en cours de transit vers le terminal, etc.

S’ils n’ont pas de rapports directs avec les trafiquants, leurs activités ont tendance à semer la crème dans les réseaux établis. Ils sont peu nombreux, plutôt discrets, difficilement prévisibles et leurs techniques sont bien rôdées. Souvent, ce sont des ressortissants du Leme Aquaria, grands spécialistes du genre. Il n’est pas rares que certaines « capuches » agacés organisent des descentes, soit en personne, soit par gros bras interposés, pour une explication de gravure soignée avec les Lemures.

Une journée dans la vie de Berhardo Aclan

Berhardo est un chauffeur poids-lourds indépendant ; dans son métier, on se lève tôt, on se couche tard et on bouffe de la route. Son véhicule est un camion quatre-essieux de fabrication est-européenne, un Znedeiev Zn 4358 ; trente-cinq ans d’âge, quelques millions de kilomètres sous le châssis – indestructible !

L’engin a une capacité officielle de 32 tonnes et un poids à vide de 11 350 kg ; dans les faits, pas mal de choses ont été modifiées, au cours du temps : quelques éléments de structure ont été remplacés dans des matériaux moins soviets, laissant de la place et de la marge pour une demi-douzaine de caches, allant de quelques dizaines de centimètres-cube à une tonne métrique.

Dès 4 h 30, le réveil sonne ; devant une tasse de « jaté » (un mélange de café indonésien et de maté, très populaire à Copacabana – et nulle part ailleurs), Berhardo consulte la météo, les prévisions routières et la « bourse aux ordres », où les courtiers recensent ce qui doit être transporté et où. En fait, il y a deux de ces bourses : l’une, officielle, l’autre, officieuse et codée, destinée aux trafiquants ; Berhardo sait pertinemment qu’il y a sans doute autant de Condors que de routiers qui consultent cette dernière, mais ce n’est pas très important. À vrai dire, l’officielle a son lot de non-dits et de combines.

Par exemple, une annonce de prise en charge de bois de construction à Nova Friburgo pour un chantier de Copacabana attire son attention : le tarif proposé est nettement plus important que ce qui est habituel, ce qui laisse entendre que le voyage aller ne se fera pas à vide. Berhardo s’annonce sur une douzaine d’offres ; il y a des chances pour qu’il en obtienne un ou deux. Dans le même temps, ses agents de recherche ont péché sur le répla quelques références intéressantes ; il rappellera dans la journée, suivant comment ça se développe.

Pour un peu, il en raterait le post-it de sa compagne (qui travaille de nuit dans une station de radio locale) : « Racheter une machine à laver. » Juste. La dernière a traversé toute la cuisine avant de vomir les chaussettes, de crasher tout le réseau domestique et de mourir en bloquant la porte… Il jettera un coup d’œil à Nova Friburgo, s’il a le temps.

Il est six heures, l’heure d’aller chercher le bahut ; il est garé à la Coopérative – qui est en fait une sorte de local syndical commun pour transporteurs indépendants. Après un petit quart d’heure de bus, il rejoint ses collègues, concurrents et – la plupart – amis dans la grande salle ; les habitués sont déjà là, certain finissent leur nuit, d’autres commencent leur journée. C’est là que les commandes de la journée se décantent entre les chauffeurs : on discute, on s’échange des combines, on négocie. Après une bonne heure de discussions diverses, Berhardo a trois contrats fermes, ainsi que deux « coups de main » – à savoir des transports illégaux. La mauvaise nouvelle, c’est que ça va impliquer de sillonner à peu près toute la région – sauf Nova Friburgo.

Berhardo grimpe enfin dans son camion à 7 h 30 ; il a déjà entré les coordonnées et les détails des différents contrats dans son assistant personnel, qui a automatiquement traduit les deux transports douteux en rendez-vous privés anodins et se synchronise avec l’ordinateur véhiculaire de son camion. Compte tenu des conditions de trafic et impératifs de temps, ce dernier calcule le planning et cartographie la journée. Ça va être serré…

La première combine implique d’aller dans le quartier de Frontera, juste après avoir chargé une impressionnante cargaison de modules électroniques siyansk au Sandu. La tactique est rodée : Berhardo arrive sur le parking du restaurant, se gare à côté d’un autre bahut et ainsi masqués, les deux chauffeurs procèdent à l’échange de la marchandise. Dans le cas présent, il y a un pépin : la caisse est massive et lourde. Berhardo doit sortir le transpalette antigrav et se battre un moment avec la cache principale. Au poids, ce sont soit des prospectus, soit des armes ; au prix, probablement la première solution. Quoi qu’il en soit, il ne pose pas de question et empoche le supplément « pas de question ».

Avec tout ça, pas vraiment le temps d’un repas – et pas le temps de faire la sieste, non plus. Il repart sur la route, en plein cagnard, direction Ruiz de Fora : une cinquantaine de kilomètres. Évidemment, pour ne rien arranger, la Douane a décider de faire des taquineries et ça bouchonne ferme ; sur les canaux des routiers, on dit que c’est à cause de transits massifs d’armes à destination de l’ANPA ; air conditionné ou pas, Berhardo trouve qu’il fait très chaud, tout d’un coup…

Sur territoire highlander, le plus difficile est d’éviter les patrouilles routières et les contrôles de vitesse ; les véhicules de Copacabana n’étant pas encore obligés d’avoir un mouchard électronique aux normes de la Fédération, Berhardo peut se permettre de pousser son bahut – le réseau des routiers informe sur les contrôles. Cela lui permet d’arriver à la livraison en évitant les pénalités de retard, mais ça ne le met pas en avance pour autant.

Il s’arrête ensuite à une station de recharge à la sortie de la ville, d’une part, parce qu’il est presque à court de jus, d’autre part pour faire la deuxième livraison. Au moment de payer, le caissier lui remet, en plus de la monnaie, un billet qui lui annonce que la station est truffée de mouchards, il faut donc changer l’heure et le lieu du rendez-vous. En clair : le planning explose en vol…